Les Points Lomer
Avant-propos
Les Points Lomer sont
inscrits au Projet d'Etablissement de notre collège depuis 1999.
Depuis cette date, ils concernent la plupart des
disciplines et impliquent cette année 18 enseignants :
- le professeur d'arts plastiques
- la documentaliste
- les trois professeurs d'éducation physique et sportive
- une professeur de français
- deux professeurs d'histoire-géographie
- trois professeurs d'anglais
- la professeur d'allemand
- deux professeurs de mathématiques
- les deux professeurs de technologie
- le professeur d’éducation musicale
- la professeur de sciences de la vie et de la terre
Utilisés par des équipes pédagogiques constituées
d'enseignants volontaires, les Points
Lomer sont mis en œuvre dans deux classes de 6°
et une classe de 5°, classes dans lesquelles presque toutes les
matières sont évaluées suivant le principe des
Points Lomer.
Les Points
Lomer sont également utilisés par quelques
professeurs à titre individuel dans d'autres classes et
d'autres niveaux (en anglais dans d'autres 5°, en math en
3°, en allemand dans toutes les classes, etc.)
Les questions que nous nous sommes posées
Outre les nombreux problèmes que soulève la notation
traditionnelle (en particulier les problèmes de fiabilité)
et qui sont exposés dans tous les ouvrages consacrés
à la docimologie (1
2),
nous nous sommes posé les questions suivantes :
-
Comment redonner un peu - ou, pourquoi pas, beaucoup -
d'estime de soi chez des élèves en grande difficulté ?
Comment informer clairement et simplement les élèves,
même les plus en difficulté, des savoirs et des
savoir-faire qu'ils paraissent avoir acquis pour invalider définitivement
les jugements du type “ Je suis nul en math ” (ou ailleurs... ) ?
-
Que signifie ce fameux 10 sur 20 qui semble satisfaire
tout le monde, élèves, parents, administration et souvent
professeurs ?
Signifie-t-il que l'élève ne sait faire que la
moitié des tâches qui lui sont demandées,
auquel cas on peut se demander qui accepterait qu'un mécanicien
automobile ne sache remonter que la moitié d'un moteur de
voiture !
Signifie-t-il autre chose et dans l'affirmative,
signifie-t-il la même chose dans chacune des disciplines ?
Signifie-t-il la même chose pour tous les
enseignants d'une même discipline ?
Signifie-t-il la même chose pour un même
enseignant dans telle classe jugée "faible" et dans telle
autre jugée "forte" ?
-
Comment rendre plus efficace la correction d'un contrôle,
d'un exercice ou d'un devoir ? Comment rendre à la correction
son véritable statut - faire acquérir à l'élève
les savoirs et savoir-faire qui lui manquent - et lui permettre
de prouver ensuite qu'il maîtrise ces savoirs et savoir-faire ?
- Comment peut-on simplifier le travail de toute personne
(membre de la famille, voisin, aide-éducateur, surveillants,
responsable d'études dirigées, etc. ) voulant aider
un élève ? Comment aider cette personne à répertorier
rapidement les difficultés de l'élève ? Quelles
informations peut-on apporter grâce à l'évaluation
des productions de l'élève ?
- Tel exercice portant sur telle compétence vaut 4
points sur 20 dans le devoir de M.X tandis que le même exercice
vaut 8 points sur 20 dans le devoir de M.Y.
M.X redonne dans un
nouveau devoir le même type d'exercice auquel il attribue
cette fois 6 points sur 20 pour des raisons de barème...
Comment éviter qu'une même compétence soit
évaluée aussi différemment d'un enseignant
à l'autre voire même chez un même enseignant suivant
le moment.
-
L'élève A ne sait pas calculer une longueur
manquante dans un triangle rectangle grâce à la propriété
de Pythagore et a obtenu 0 sur 8 à l'exercice qui lui était
proposé en janvier.
Après remédiation ou
simplement travail personnel, ce même élève
maîtrise parfaitement le sujet quelques semaines plus tard et
le prouve en obtenant 8 sur 8 à l'exercice destiné à
contrôler l'acquisition de cette compétence : le principe
des moyennes fait que l'échec primitif est pris en compte
au même titre que la réussite ultérieure alors
que finalement, il maîtrise aussi bien cette compétence
que celui qui a réussi dès la première fois.
Bien pire encore serait la situation de cet élève
si, dans la deuxième évaluation, l'exercice ne
valait plus que 4 points : dans ce cas, sa réussite ne compterait
alors que pour moitié par rapport à son échec
primitif...
Comment peut-on éviter de pénaliser un élève
qui met plus de temps qu'un autre à acquérir tel
savoir ou savoir-faire ?
Comment diminuer voire éliminer l'impact d'un échec
sur une réussite ultérieure ?
Ayant estimé que la notation traditionnelle ne répondait
pas - ou qu'elle y répondait beaucoup trop partiellement
- à nos questions, nous l'avons abandonnée au profit des
Points Lomer qui nous paraissent
résoudre bon nombre des problèmes exposés
ci-dessus.
Nos objectifs
-
Redonner une signification commune aux notes, quelle que
soit la matière ;
-
Rendre transparents, aux yeux de tous les membres de la
communauté scolaire, et en premier lieu aux yeux des élèves
eux-mêmes, le principe d'évaluation adopté
ainsi que la note inscrite chaque trimestre sur les bulletins scolaires ;
-
Développer l'autonomie des élèves ;
-
Valoriser les savoirs et les savoir-faire de chaque élève ;
-
Modifier chez les élèves, en particulier
chez les élèves en difficulté, la perception
très négative qu'ils ont parfois d'eux-mêmes
et les remotiver ;
-
Faciliter l'aide individualisée.
Les Points Lomer
Chaque élève dispose pour chacune des matières
concernées de grilles de compétences
(3) ayant deux fonctions :
-
elles récapitulent les compétences que devrait
posséder l'élève à la fin de l'année
scolaire et précisent les objectifs qui lui sont fixés,
en conformité avec les programmes officiels.
-
elles sont un outil de communication entre les enseignants,
les élèves, les familles et les personnes responsables
des études dirigées et du soutien.
Chaque ligne d’une grille énonce une compétence
exigible et permet le report des résultats de l'élève
aux différents exercices d'évaluation grâce
au codage suivant :
-
deux points verts (• •) indiquent que le jour du contrôle
de telle ou telle compétence, l'élève a largement
atteint l'objectif qui était fixé ;
-
un seul point vert (•) indique qu'il a atteint l'objectif malgré
une maîtrise imparfaite ;
-
un point rouge (•) indique qu'il n'a pas atteint l'objectif
mais qu'il n'en est pas très loin ;
-
deux points rouges (• •) indiquent que tout est à reprendre
concernant l'objectif en question.
Outre des réévaluations effectuées lors d'un
contrôle collectif ultérieur, des professeurs de certaines disciplines
organisent des séances de réévaluation "à la
carte" au cours desquelles un élève peut choisir lui-même
la ou les compétences sur lesquelles il souhaite être
évalué à nouveau.
A la fin de chaque trimestre, il n'est tenu compte, en cas de
plusieurs évaluations d'une même compétence,
que du dernier résultat obtenu par l'élève,
ce que l'on pourrait traduire par : "Aux dernières nouvelles,
l'élève savait (ou ne savait pas)..."
La transcription en note sur 20 (i.e. celle qui figure sur le
bulletin trimestriel) se fait grâce à un "convertisseur"
(4)
paramétré par les enseignants et qui permet de transformer
les nombres de doubles points verts, simples points verts, simples
points rouges et doubles points rouges de chaque élève
en note sur 20, le convertisseur utilisé étant le même
pour tous les enseignants d'un même niveau.
Les élèves qui le souhaitent peuvent consulter leur note à tout moment
en se connectant sur ce site et en utilisant un des modèles de convertisseur en ligne
(5).
Le paramétrage de ce convertisseur a été
établi de telle façon que la note 10 soit attribuée à
un élève ayant 65 % de simples points verts et au maximum 10 %
de doubles points rouges.
Le principe “c'est le dernier résultat qui compte” que
nous avons adopté nous a amenés à inscrire
sur les bulletins des 2ème et 3ème trimestres la note
correspondant aux résultats obtenus par l'élève
depuis la rentrée scolaire : en particulier la note du 3ème
trimestre traduit donc la position de l'élève par rapport
au "contrat" que représente la liste de toutes les compétences
évaluées dans l'année.
La note inscrite sur les bulletins n'est donc pas à proprement
parler une note trimestrielle puisqu'elle ne traduit pas, sauf
au 1er trimestre, les résultats de l'élève
au cours du trimestre écoulé.
Insistons sur le fait que cette note n'est pas le résultat
d'un calcul plus ou moins obscur faisant intervenir des coefficients
arbitraires, calcul réalisé sur des notes diverses
et variées : elle est le résultat donné par
le convertisseur uniquement à partir des points verts et rouges,
ce que peuvent facilement contrôler les élèves.
Information des parents
Une réunion, destinée à informer les parents
des élèves des classes de Sixième concernées
et à répondre à leurs questions, a lieu la
deuxième semaine suivant la rentrée scolaire.
Notons que plus de 90% des parents ont assisté aux réunions
organisées en 1999 et 2000. En septembre 2002, 22 % des
parents ne se sont pas déplacés, beaucoup d’entre
eux ayant assisté aux réunions des années précédentes.
Enquête auprès des élèves et de leurs familles
En fin d'année, deux questionnaires différents sont
destinés à évaluer notre pratique : le premier est rempli
par les élèves de Sixième, le second étant complété
par les parents de ces élèves.
Ces deux questionnaires sont destinés à mesurer
la façon dont a été ressentie l'évaluation
pratiquée, en quoi elle a pu avoir des effets positifs
ou négatifs sur les méthodes de travail et la motivation
de l'élève, sur l'aide que les familles ont pu apporter
aux enfants, sur les difficultés rencontrées lors
de la préparation d'un contrôle et sur la clarté
des compétences énoncées dans les grilles.
Des questionnaires dépouillés en juin 2002 (53 élèves
de Sixième), il ressort que :
-
96 % des élèves ont estimé que les
grilles leur ont permis de mieux organiser leurs révisions
en prévision d’un contrôle et 78 % ont estimé
que les Points Lomer
leur ont permis de voir facilement leurs difficultés et de travailler
en conséquence tandis que 67 % des parents ont indiqué
avoir pu aider leur enfant dans ses apprentissages. L'objectif de
facilitation des apprentissages et de l'aide à ces apprentissages
paraît donc au moins partiellement atteint.
-
le libellé des compétences figurant dans
les grilles a été bien compris par 98 % des enfants
(21 % signalent cependant des difficultés de lecture dans
certaines matières) et 86 % des parents.
-
les enfants à 94 % ont reconnu être sensibles
aux points rouges et aux points verts récoltés,
ce qu'ont confirmé 94 % des parents. C'est bien entendu une
pierre dans le jardin de ceux qui prétendent qu'en dehors
des notes, point de salut !
-
89 % des élèves ont jugé que le principe
du "c’est le dernier résultat qui compte" est juste contre
seulement 61 % des parents.
Cette différence notable s'explique sans doute par la
sensibilité très forte des enfants aux injustices et
nous conforte dans l'idée que ce principe doit être
maintenu.
-
28 % des enfants ont souhaité que les réévaluations
soient plus nombreuses (la généralisation des contrôles
à la carte a fait chuter cette demande formulée
par plus de 70 % des élèves les années précédentes).
Notons que suivant les disciplines, la proportion de compétences
réévaluées est très variable, l'horaire
de la discipline étant le facteur essentiel de cette variabilité
et qu'il paraît, dans ces disciplines, difficile de répondre
au vœu ainsi exprimé par les élèves.
- 47 % des élèves ont souhaité se retrouver
l'année suivante dans la classe de Cinquième fonctionnant
avec des Points Lomer tandis
que 35 % des parents ont demandé à ce que leur enfant
soit inscrit dans cette Cinquième et qu’autant, 35 %, donnent
libre choix à leur enfant.
Nos conclusions provisoires
La forte demande de réévaluation exprimée
par les élèves, y compris par ceux qui étaient
en grande difficulté en début d'année (demande
que l'on trouve également chez bon nombre des élèves
des autres niveaux dans les matières où sont pratiqués
les Points Lomer) nous
conforte dans l'idée que nous avons touché ici un point
extrêmement sensible.
Quoi de plus frustrant effectivement que d'avoir compris mais
trop tard, après la correction ! Les Points Lomer
limitent cette frustration
en donnant l'occasion aux élèves, autant qu'il est
possible de le faire, de véritablement se rattraper et nous
pensons avoir atteint de cette manière deux de nos objectifs
: valorisation des réussites et remotivation d'une partie des
élèves en grande difficulté.
La transparence que nous avons instaurée autour de la note
figurant sur les bulletins scolaires grâce au convertisseur unique pour
toutes les disciplines pratiquant les Points
Lomer nous paraît avoir modifié le regard
des élèves sur l'évaluation : plusieurs
élèves ont suivi aisément l'évolution
en conséquence, ce qui a contribué au développement
de leur autonomie et à leur responsabilisation.
Nous avons également pu noter que les corrections étaient
prises très au sérieux par beaucoup d'élèves
et s'avéraient plus efficaces que dans une évaluation
traditionnelle.
(1) Voir la bibliographie
(2)
Voir les évaluations de copies de classe de troisième par différents correcteurs
(3) Voir des extraits de grilles
(4) Pour télécharger le convertisseur